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 Chapitre Huit - Hostel de Montmorency

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Le scribe
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Le scribe


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MessageSujet: Chapitre Huit - Hostel de Montmorency   Chapitre Huit - Hostel de Montmorency Icon_minitimeJeu 28 Fév - 3:16

Marlowe's
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Danse à la corde

Etrange sensation, marcher, dans les rues désertes de la cité, muscles peu à peu tétanisés par la charge de ce corps, souffle affaibli contre sa poitrine, un pas, puis le suivant, repose entre ses bras, ce Rey des Miracles, couronné du sang d'un des siens, en cette nuit de deuil, s'interrogeant sur ce qu'il porte, là, réellement, un enfant, un compagnon, un homme devenu en son absence, à qui il a confié la destiné de sa confrérie, Libertad, il n'a plus aucun droits sur elle, ce poids est ôté de ses épaules, et pourtant, la spirale du destin l'entraine, et le malmène, en son sillage, sur ce jeu d'échec où Marlowe's construit son existence, une part de sa vie alors, et ses mots, murmurés, avant l'assoupissement fiévreux.

Tu sais… je pense que j’ai raison de faire tout ça.

A lui, qui planque si soigneusement sa raison, sa logique, derrière les rempart de la folie, assumée, badinant d'elle, pour mieux manipuler le hasard, tandis que les remous de ses projets influent, entremêlent, ceux partageant sa fortune, en un imbroglio dont seul, il devine, parfois, la trame.

Craquement d'épaules, pas d'hésitations sur le parcours, il sait où aller, Mange Rats a besoin de refaire ses forces, à l'abri, loin des siens, protégé de leur affection, il connait combien peut être mortel cet amour porté à celui forgeant les actes à sa mesure, et dans cette demeure, il sera hors de toute prise. Puis, au fil du temps, le funambule a finit par comprendre que ses choix n'avaient jamais unique motivation, brièveté par trop prégnant du passage terrestre pour en être autrement, en avoir conscience peut affadir les émotions, il s'y refuse, que le calcul soit spontané est une contradiction rieuse.


J'le pense aussi Croque Gaspard... Me briserais pas l'dos sinon.

Malgré l'air glacial, la sueur roule à ses tempes, et c'est avec satisfaction qu'il cogne contre la porte de l'hôtel à grand coup de bottes. Jusqu'à ce que le judas s'entrouvre enfin, regard ensommeillé, éclairée d'une sourde lanterne.

Ouvre mordiable ! Et va quérir ta maitresse ! Le guet ? Servira à rien, si ce n'est à goûter au fouet te dis-je ! Quoi ma gueule ? Elle te dis...

Un échange rapide filtre à travers l'huis, il n'en saisit guère, assez pour comprendre que sa face maquillée est, si ce n'est connue, du moins prévenue, de lourds verrous grincent, il entre, vestibule plongé dans la pénombre, à l'instinct, il enquille une porte à dextre, petit salon, avec douceur il dépose le jeune homme sur un divan, s'étire, se retourne vers ce qui ressemble à un intendant fidèle, et ce malgré la chemise de nuit. Sourires mitigés s'échangent.

Dîtes à Ann que le marlou mande son aide. Inutile qu'elle s'habille de trop, il n'est pas en état de se rincer l'œil.

Signe de menton vers Mange, il s'affale dans un profond fauteuil, histoire de reprendre un brin de souffle, va lui en falloir face à une princesse au caractère éveillée nuitamment.

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Ann
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Galop effréné à travers les couloirs, ouverture de porte précipitée et reprise de souffle mouvementée. C’est qu’il fait peur l’autre zouave là avec son macchabée sur le dos. Elle a pas idée l’Altesse d’avoir des amis pareils! Mais pas de doute, apparemment, c’est bien lui qu’elle attendait. Et voilà qu’il débarque au beau milieu de la nuit. Alors déjà que naturellement, elle a pas bon caractère, ajoutez à ça le fait qu’elle dorme et qu’en plus, en ce moment, sans qu’il sache vraiment pourquoi c’est pire que tout… Il a une petite hésitation le pauvre Alphonse. Mais de deux maux, il faut choisir le moindre, et il espère que la Princesse oubliera de l’enguirlander, tellement elle sera ravie d’apprendre une telle nouvelle. Bougie au dessus de la figure de l’endormie, elle trouve quand même qu’il est bien dommage de la réveiller… elle paraît si apaisée pour une fois. Pourtant, lorsque la pensée du Livide en bas passe devant ses yeux, il n’hésite pas une seconde et secoue sans ménagement la Princesse…

NON MAIS CA VA PAS DE ME REVEILLER COMME CA ALPHONSE? ALORS QU’IL FAIT ENCORE NUIT! VOUS VOULEZ MA MORT OU QUOI?

Aïe, aïe, aïe… espérons que celui d’en bas, ne l’entende pas beugler comme un veau, il serait peut-être capable de venir l’égorger. Balbutiant, suant, s’épongeant le front et songeant au passage à quitter cette maison de fou, le pauvre Alphonse parvient tout de même à articuler que le dit-Marlowe’s attends en bas. Ah ben voilà, ça l’a calmé.

Air hébété de la part de la Princesse, qui se relève pour le coup d’un bond, manque choir sur le pauvre Alphonse et l’entraîne dans sa tornade frénétique, tout en commençant à ôter la fine chemise de lin qui la couvre:


Mais aidez moi à m’habiller bon sang!
Pas la peine Princesse! Il a dit qu’il était pas en état de se rincer l’œil!
Comment ça pas en état de rincer l’œil! C’est si je descend comme ça, qu’il va se rincer l’œil, pas si je descends habillée! Mais… mais… pas en état de se rincer l’œil? Il est blessé? Il ne va pas bien? Et vous, vous me laissez chercher une robe?!!!

Sans entendre de réponse, mais en remettant tout de même en place la chemise, la Princesse se précipite hors de la chambre, et s’apprête à dégringoler les escaliers à toute vitesse lorsqu’elle se rends compte qu’il fait noir comme sur le cul d’un chaudron. Re-retrant en trombe, elle arrache son bougeoir des mains du pauvre Intendant, qui pour le coup se retrouve à son tour dans le noir, et descends les escaliers au risque de se rompre le cou. Ouverture de portes à la volée… « bon sang, mais il est où encore ce lui-là? »… S’apprêtant à beugler après Alphonse, elle ouvre une autre porte et là… miracle. Mais… mais… il est mort?! Posant la bougie, elle se précipite sur le divan, dans la pénombre et caresse son visage, repoussant les mèches trempées par la sueur:

Adoré… Tu m’entends? Réponds moi je t’en supplie.

Marrant, il n’a pas son maquillage… boarf, ça lui arrive des fois à la Truffe… tiens, elle ne l’a jamais vu sans son maquillage. Soupir. Et il faut que ce soit en des circonstances aussi tragique?

Amour, s’il te plaît… ouvre les yeux… dis moi que tout va bien…

Et les souvenirs de son enfance refont surface… peut-être qu’avec un baiser, le Prince se réveillera? C’est comme ça, que ça marche non? Après que la Princesse est vaincu le Dragon… bon d’accord, là la Princesse est un peu Dragon, mais passons. Se penchant, elle effleure avec délicatesse ses lèvres, et caresse sa joue, douce…
Très douce…
Un peu trop douce…
Pis c’est quoi ce goût bizarre?
Sourcils en circonflexe, elle se redresse et reprends le bougeoir, le lève au dessus du corps sur le divan et:


Ahhhhhhhhhhhhh! Mais c’est qui celui-là? Marloooooooooowe’s

Tenant haut la bougie, elle fait le tour du salon… et le découvre, affalé dans un fauteuil! Yeux comme des billes, elle n’en revient pas. Pose la bougie, le choppe, par le bras, le fait se lever et sans un mot lui assène une gifle magistrale avant de se mettre à beugler. Dans le genre parfait de la Mégère pas apprivoisée.

Non, mais tu te fous de moi ou quoi? Qu’est-ce qu’il te prends de débarquer comme ça, chez moi, au beau milieu de la nuit? Et c’est quoi ce type là que j’viens d’embrasser et qu’est en train de niquer mon canapé tout neuf! C’est pas marqué Hopital de la Charité sur le fronton là, si?Et tu pourrais pas envoyer un courrier de temps à temps?

Nouvelle baffe sur l’autre joue histoire d’équilibrer, sans lui laisser le temps d‘en placer une:

T’imagines un peu le sang d’encre que je me suis fait? Parce que pour faire mumuse dans les pommiers, Monsieur est très bon. Mais c’est après que ça se gâte! Déjà tu m’abandonnes à moitié nue au pied d’un arbre, alors qu’il fait un froid de loup et que je suis en pleine convalescence et après pas de nouvelles pendant des semaines? Ça t’aurait pas trouer le fondement non plus de m’envoyer une lettre. Je m’serais même contenté d’un « Vais bien -stop- pense à toi -stop- « . Tu vois! J’suis quand même super accommodante! Mais alors maintenant, ça suffit hein! Tu vas un peu assumer tes conneries! Parce que je commence à en avoir plus que marre! En plus je suis sûre que toi tu t’amusais bien pendant ce temps! A courir la gueuse! A forniquer la ribaude! C’est bien la guerre hein? Les femmes dont les maris sont partis et qu’il faut consoler, tout ça, tout ça!
ET BON SANG C’EST QUI CE TYPE LA?


Boule de nerfs et nerfs en pelote. Les baffes sont méritées, il devrait même s’en récolter plus! Bon d’accord elle n’y est pas allée de main morte. Mais il le méritait. La laisser ainsi, seule, abandonnée… « pauvre petite fille riche »! Hein! Non mais franchement! Alors déjà qu’elle est pas de bonne humeur la Ann, mais alors là… il a bien fait de penser tiens. Aujourd’hui c’est jour de bonté et distribution de girofles à 5pétales gratos.
Les yeux azur semblent prêt à le foudroyer du regard et puis soudainement, comme ça, juste parce qu’elle en a envie -Ah ça, les hormones-, elle se jette à son cou et l’embrasse façon Princesse et crapaud quid devient Prince Charmant… ça marche… la preuve… le Marlou, il est pas mort!



Mange-rats
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Il y a des loups, il y a des monstres. Des chimères affreuses, qui l’entourent et l’étreignent, lui susurrent à l’oreille des promesses de repos, de repos éternel. Face à la mort, face à cette sournoise mort qu’est l’abandon et la paresse, le Rey mène son dernier combat : qu’il se relâche seulement, et le fauve lui saute à la gorge.
Comme le chasseur, il ne doit pas le quitter des yeux. Ses crocs sont des poignards, ses yeux des charbons ardents. Fantasmagorie épique, un fauve au pelage de bronze, à la gueule écumante, et aux muscles d’airain. Il rôde, félin, lui tourne autour, pour lui bondir férocement sur le dos. Lui arracher les chairs comme on retire des vêtements, pour ne laisser que les os. Dans les ruelles parisiennes, la bête évolue comme dans un bois. Elle traque, ne relâche pas sa piste. Lui ne doit pas relâcher un seul instant sa vigilance.
Cette bête, c’est sa fatigue. S’endormir, dans le froid, dans la rue, c’est périr. Le Rey livre son dernier combat : rester éveillé, conscient. Il est des instants où il lui semble triompher, mais alors la somnolence, qui est l’antichambre du sommeil et de la mort, l’engourdit. Il se souvient alors d’un poème, qu’il récite d’une voix usée, passée.


Quel est ce cavalier qui file si tard dans la nuit et le vent ?
C'est le père avec son enfant ;
Il serre le jeune garçon dans son bras,
Il le serre bien, il lui tient chaud.


Contre lui, il sent Marlowe’s, toute une force qu’il a craint et admirée. Qui continue à l’envelopper comme une aura. Une aura qui le rassure, l’apaise.

Mon fils, pourquoi caches-tu avec tant d'effroi ton visage ?
Père, ne vois-tu pas le Roi des Aulnes ?
Le Roi des Aulnes avec sa traîne et sa couronne ?
Mon fils, c'est un banc de brouillard.


Paris est gris, en cette saison et à cette heure de la nuit. Le jour, l’éclat blanc des flaques de neige réverbère le pâle soleil et vous éblouit. La nuit, une lune paresseuse s’y mire avec coquetterie, et Paris bleuit. Mais quand vient l’aube et que le soleil n’est pas encore tout à fait éveillé, Paris est gris, blafard, flou et fantomatique.

"Cher enfant, viens donc avec moi !
Je jouerai à de très beaux jeux avec toi,
Il y a de nombreuses fleurs de toutes les couleurs sur le rivage,
Et ma mère possède de nombreux habits d'or."


Le gosse n’a pas besoin de réfléchir, de faire attention, pour voir qu’ils ont gagné de beaux quartiers où les habits d’or sont plus communs qu’aux miracles. Il connaît ces rues, ces hôtels. Il les a connus, du moins.

Mon père, mon père, et n'entends-tu pas,
Ce que le Roi des Aulnes me promet à voix basse ?
Sois calme, reste calme, mon enfant !
C'est le vent qui murmure dans les feuilles mortes.


Le vent s’est levé avec lassitude. Il n’y a pas que des bêtes pour hiberner, en hiver : toute la saison est paresseuse. Le soleil, le vent sont faibles. La neige même a la douceur molletonnée d’une couche.
Tous sont froids comme la mort.


"Veux-tu, gentil garçon, venir avec moi ?
Mes filles s'occuperont bien de toi
Mes filles mèneront la ronde toute la nuit,
Elles te berceront de leurs chants et de leurs danses."


Mon père, mon père, ne vois-tu pas là-bas
Les filles du Roi des Aulnes dans ce lieu sombre ?
Mon fils, mon fils, je vois bien :
Ce sont les vieux saules qui paraissent si gris.

"Je t'aime, ton joli visage me charme,
Et si tu ne veux pas, j'utiliserai la force."
Mon père, mon père, maintenant il m'empoigne !
Le Roi des Aulnes m'a fait mal !


Ils sont entrés dans un hôtel, il ne s’en est pas rendu compte. Mais il sent la chaleur lui gagner les membres. Il entend des mots, des éclats de voix.

Le père frissonne d'horreur, il galope à vive allure,
Il tient dans ses bras l'enfant gémissant,
Il arrive à grand peine à son port ;
Dans ses bras l'enfant était mort.


On le pose sur une couche quelconque – une paillasse, un lit à baldaquin… peu lui importe ! – il bâille, et la bête lui saute à la gorge : pour la lui baiser.
Engourdissement souverain et divin, assoupissement tant attendu. Ses membres se relâchent, ses paupières se ferment, sa respiration s’apaise…
En un mot, il s’endort.

***

Une caresse étrange sur ses lèvres. Un souvenir vif. Qui lui tord les tripes de joie. C’est le matin, assurément, et sa mère est venue l’éveiller. Il a le doute qu’ont les enfants le matin, se demandant si les songes qu’ils ont eu en étaient, ou s’il s’agit de la réalité.
Ce doute là ne dure jamais. Il suffit d’ouvrir les yeux. Mais il a peur. S’il ouvre les yeux, il va peut-être voir que son cauchemar était réel. Sa mère morte, lui chassé, courant les rues, sauvage… quel long cauchemar… et Libertad ? Rey de la Cour… comment a-t-il pu rêver… quel horrible cauchemar. Du sang, partout. Sa mère, morte. Il n’a pas envie d’ouvrir les yeux : si c’était vrai ?
Il le faut bien, pourtant : il les ouvre.
Il les ouvre, et rien ne s’évanouit : il a bien rêvé. Devant lui, m’dame Ann, la mère de Guilhem. Sa mère ne va pas tarder à venir le chercher, assurément.
Alors, il se redresse.
Il se redresse, et il hurle : il hurle de douleur, il hurle d’horreur : sa blessure est bien là, et ces dix années également. Non, ce cauchemar de dix ans n’en est pas un. Sa mère est morte. Mais que fait-il là ?
Bouche bée, yeux écarquillés, il regarde Ann tempêter, puis embrasser le Marlou, interdit. Et puis son incrédulité lui passe entre les dents, entre les lèvres.


M'dame Ann ?

/hrp : j'espère qu'on m'excusera l'anachronisme de l'Erlkönig de Goethe.
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Le scribe
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Le scribe


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MessageSujet: Re: Chapitre Huit - Hostel de Montmorency   Chapitre Huit - Hostel de Montmorency Icon_minitimeJeu 28 Fév - 3:19

Marlowe's
Chapitre Huit - Hostel de Montmorency 15247926734692cfb19f96a

Saison de pluie, fine, verticale, régulière, cogne aux carreaux du Bout Dehors, entoure le peu de navires, se balançant au mouillage, d'une brume floue, le bordel est encalminé, les filles se reposent, crochet et ravaudage, trois loups de mer, vieux habitués entre deux embarquements, ils ont juste assez pour une passe, alors ils la jouent aux dés, un après midi assourdi, le museau collé aux carreaux, Cordoba perd son regard à la rade de Brest, déserte.

Y r'vient quand m'man ? D'main ?

Le minot, six berges à peine, dessine des mouettes sur la buée couvrant la vitre, dans son dos, Fanchenn soupire imperceptiblement, la même question, jour après jour, elle rajuste son corsage et berce le nourrisson, va expliquer à un gamin que son père est marin, hidalgo, spadassin, sans doute marié dans son pays, sa mère tapote le banc à ses cotés.

Viens là p'tit marlou, l'existence comporte une bonne part d'attente, une poignée décide, les autres subissent, et parfois, certains, rares, précieux, tissent leur vie à la mesure des rêves, il faut de la volonté et de l'égoïsme, ton padre est de ceux là. Gare pourtant, leur entourage accepte ou se rebiffe, suit ou accompagne mais souffre souvent.

La frimousse revêche, appuyé contre l'épaule aimante, sa voix a les certitudes, absolues, de l'âge tendre.

Quand j's'rai grand, j'attendrai pas ! Et j'suivrai pas ! Jamais !

Saison d'enfance, saison d'ennui, chagrin vite oublié, y'a tant de jupons rigolos à explorer, et découvrir que les bêtises, toujours possible d'en faire une de plus, encore plus drôle.

Le songe s'effiloche, lacéré par un cri, un nom résonne, le sien, il se retrouve debout, sa tronche valdingue à dextre, beigne admirablement servie, suite de mots incompréhensibles, débités à la file, sans respiration, question d'embrasser, de niquer, de charité, de courrier, la seconde mornifle renvoie à sénestre, cauchemar ou réalité, la tirade reprend, non, c'est réel, son imagination est incapable de reproduire avec une telle fidélité cette cataracte verbale unique.

Enfer, il s'est endormi, et... et quoi d'ailleurs, les reproches le laissent pantois, il n'ignore point que la galanterie a coutume différente suivant la position sociale, tout de même, sa discrète politesse fut de bon ton, ne jamais harceler une dame est un principe, puis il a envoyé des lettres, enfin, une, déjà bien non, un mot déclenche un tout petit déclic d'un neurone isolé, assumer, pas anodin ce terme, surtout vu le ton employé, d'ailleurs cette diatribe infondée commence à doucement l'agacer, si les pupilles de la princesse reflètent la foudre, les siennes ont dureté de bétyle.

Et si ses lèvres sont entrouvertes, c'est bien pour lancer paroles cinglantes, non accueillir une noble langue. Se retrouvant brusquement dans l'incapacité de s'exprimer, il remise par devers lui ses arguments, de toute façon, elle n'en aurait eu cure, un hurlement passe, une question de même, ses mains constatent, reprise de formes depuis le pommier, cela sied à sa silhouette, un toussotement, puis un second, crescendo, au troisième le marlou s'écarte un peu, sourire dégageant ses fossettes, vers son amante, la mandale part sans hésiter, à la volée.


Une oui. Jamais deux.

Se tourne vers Alphonse, effaré, façon quel est le sujet, l'intendant se reprend vite, doit aguerrir le cuir une maitresse pareille, tiens, le drôle l'a retrouvé, une sottise sur le feu sans doute.

Qu'il patiente. Toi aussi tu m'as manqué Ann, je te présente le Rey de la Cour des Miracles, comme l'impression que vous vous connaissez, il est blessé, mais a surtout besoin de repos. Me suis dit que personne ira le chercher ici.

Caresse légère sur la joue meurtrie de la belle, se balade l'air de rien dans le salon, doit bien y avoir un buffet à fines, les tapis sont moelleux à ses bottes.

Je veux bien discuter, de tout ce que tu veux Superbe, mais posément. Rude journée, une amie, à la proximité des âmes, morte, un compagnon de fortune et de sang, de même, tué par l'occupant de ton fauteuil d'ailleurs, ses os doivent déjà refroidir au Mont Hurlant, et... ah oui, j'ai massacré cinq gardes aussi, ou est-ce six...

Il bat doucement rythme sur un guéridon en merisier, mesure tierce, un arrêt, le beffroi de Notre Dame résonne une fois, sourire, il aimerait perdre le tempo du temps, peine retrouvée.

La demie de trois heures, et le nouveau jour est déjà entamé.

Marlowe's se juche sur le dossier du canapé, paumes croisées à la cuisse, rien ne s'arrête jamais, il sait déjà que le court somme octroyé sera l'unique halte avant...

Chapitre Huit - Hostel de Montmorency Marlou1ac1



Ann
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Hurlement de Mange qu'elle entends à peine. Raclements de gorge d'Alphonse. C'est bien le moment tiens. Peu importe, elle fera fouetter la source du bruit. Mais non, il s'écarte. Sourit. Et elle se ramasse une baffe de cheval, à déboiter la machoîre.
Il lui en a retourné une. Une sévère en plus. Joue écarlate et ego en berne, elle jette un regard noir au Marlou. Elle connait son habitude des reprises de volée, mais même si on a rarement connu plus efficace pour la faire taire, elle n'en reste pas moins sous le choc. A quoi ça sert de coucher avec s'il continue à la gifler à tire larigot. « Quand une femme crie embrasse là, quand elle te colle une gifle embrasse la encore et si elle menace d'appeller la Maréchaussée, assome la et prends la tangente » disait son grand-père à son père lors des soirées hivernales entre hommes...alors qu'elle était censée être couchée. Alors bon, elle crie, gifle et embrasse, n'appelle pas le Prévôt mais se retrouve quand même avec une mandale pleine pomme. Techniquement, ça aurait du le calmer ce baiser pourtant. Techniquement. Manque de bol, elle a tendance à faire l'impasse sur les aïeux hispaniques et le côté sanguin consécutif à l'affaire. Grognement. Et la tendresse bordel?

Détourne la tête un instant. Jette un regard accusateur à Alphonse, spectateur de la mornifle et qui pour un peu s'en réjouierait presque, si ce n'était son air choqué et apeuré. S'apprête à répondre et se fait couper l'herbe sous le pied par Marlowe's...Haussement de sourcils. Qu'on lui fasse savoir si elle dérange. Mauvais début, elle commence même à se sentir déposséder de son Hostel, vient de se prendre un aller bien senti, doit lui annoncer qu'elle va bouleverser sa vie... Elle peut toujours laisser les clés et ce serait elle qui prendrait la tangente s'pas. Comme ça il viendra héberger tout ceux qu'il veut, transformera la baraque en hospices de la charité...et elle, elle ira accoucher ailleurs.

Effleurement. Dans ses prunelles danse vaguement une flamme de désir. Pas le moment pourtant. Pourtant. Pourtant il est là. Pourtant elle est là. Pourtant ça fait longtemps qu'elle ne l'a pas vu et qu'elle s'est astreinte à un ridicule devoir d'abstinence par fidelité à un vague souvenir d'un soir froid mais particulièrement beau. Par espoir aussi peut-être. Ou bien, comme s'il allait deviner sa fidelité et l'en récompenser.
Doigts sur joue écarlate, elle se mords la lèvre inférieure, mets un mouchoir sur son envie, essaye de redonner un peu de bombant à son ego mal-traité, et surtout, surtout, essaye de remettre de l'ordre dans le flou continu de son esprit tout en se morigénant de cette espèce de soumission soudaine. Elle aurait aimé retenir les doigts, elle aurait aimé... et le laisse s'éloigner. Les dents ne se desserrent pas sur la lèvre. Il est si distant...

L'heure est grave, et la Princesse soudainement sérieuse. L'euphorie des retrouvailles passées, reste l'amertume et le temps qui passe, reste les envies de plus et les désirs de tant. Le manque de tout et le goût de peu.
Alors elle est. Tout en retenu et en pudeur. Sentimentalement, parce que dans cette tenue, il serait difficile de l'être autrement. Elle croise les bras sur sa poitrine et se frotte l'épaule de la dextre. A côté de lui, pour la première fois, elle se sent seule.
Jette un regard par-dessus son épaule, le regarde s'éloigner, reporte ses prunelles par devant et fixe avec l'énergie du désespoir une tapisserie au mur qui soudainement lui paraît d'une laideur insoutenable, cherche autre chose... quelque chose... n'importe quoi... pour se raccrocher. Trouve Alphonse, qui se fait la malle vu qu'il a eu sa réponse par le Marl'.
Porte qui se referme dans un chuintemment léger. La laisse face à ses responsabilités. Le pauvre bougre de Majordome a du sentir que le moment était mal-choisi à un excès de zéle curieux. Elle regarde la porte, sachant bien qu'il s'agit là de sa planche de salut. Pourtant, elle hésite, vacille un instant, et se laisse tomber dans le fauteuil qu'il vient de quitter. Ramenant ses jambes sur celui, à l'horizontal, talons contre cuisses.
Ses yeux ne le quittent pas, tandisqu'in extremis, elle retient un geste pour poser ses mains sur son ventre. Geste typique de la femme enceinte. Protection de la mère à l'enfant. Mais elle sait aussi qu'elle aurait chercher à se donner du courage... peut-être que s'il avait la caractère du Padre, ça marcherait...


Y a de la Cerise, de la Prune et de la Poire là bas. Clé sur l'étagère.

Mouvement de menton en direction d'un coffre imposant avec un cadenas gros comme le poing. Et tandisqu'elle le regarde, il y a cette question qui s'impose à elle. La taraude. La torture. Brûlure lancinante. Obssession. Elle baisse les yeux. Peut-être pour la première fois. Peut-être pour la première fois, elle se sent faible et démunie face à un homme. Elle, la Princesse tornade. Elle, la tout-feu, tout-flamme. Elle qui dégageait une telle impression de confiance, et d'estime de soi. Elle dont la plupart croyait qu'elle avait nombres d'amants à ses pieds. Elle. Elle qui était tombée amoureuse et en payait le prix. Et quel prix. Un polichinel dans le tiroir. Fermant les paupières un bref instant, elle retint les larmes d'impuissance qui ne demandaient qu'à s'échapper.

L'aimait-il?

Un jeu de séduction assidu, une attirance mutuelle, un assouvissement dans un pommier. Une alternative à la violence de la guerre peut-être. Avait-il seulement un jour éprouvé quelque chose pour elle? Lorsqu'elle relève les yeux, il n'y avait plus traces de larmes, juste la brillance des prunelles. Et elle le regarde. Aller, de-ci, de là. Battre la mesure. Mange les sépare. Ironie du destin, c'est encore un enfant. L'âge de Guilhem. Un enfant. C'est un enfant qui les sépare. Et alors qu'elle fixele jeune homme étendu, elle se rappela d'un « M'dame Ann » soufflé, murmuré... à peine un soupir. Qui est-ce? Qui est ce jeune homme qui semblela connaître? Peut-être Marlowe's lui a-t'il parlé d'elle. Le Rey de la Cour hein? Comment le Rey de la Cour peut-il la connaître? Mais cette voix...? Peut-être faut-il s'occuper de lui. Coulant un regard en biais au Livide, elle se rassure de son calme. Pourtant, elle se lève, va tâter d'un doigt léger la plaie à l'épaule senestre. Caresse avec douceur la joue imberbe pour le rassurer. Lui adresse un regard apaisant, étrangement, elle a exactement la même sur sa propre épaule. Souvenir de la Cour... elle aussi. S'attarde un instant sur le doigt manquant.L'épaule est recousue. Sommairement. Brutalement. C'est du travail efficace mais sans finesse.Toujours mieux que rien. Apparement rien d'autre. Elle se redresse, lui sourit, murmure:


Ca va aller. J'vais m'occuper de toi. Laisse nous juste quelques instants...

Elle a l'impression d'avoir Guilhem devant ses yeux, se sent prise à nouveau maternelle. Après tout, elle aimerait qu'une inconnue en fasse autant pour son fils. Elle soupire. Relève les yeux glacés vers le Funanbule, lui a qui elle tient tant. Lui qu'elle connaissait si peu au final. Lui qui pourtant de force et surement contre son gré venait d'y faire une entrée tonitruante. Elle réfléchit un instant. Pensées confuses. Que peut-elle faire dans l'immédiat pour le jeune homme? Rien de plus... il n'est pas en danger de mort. Elle ne peut le déplacer seule et de toutes façons ce n'est pas le moment. Dernier sourire pâlichon au gamin. Retourne se proster dans le fauteuil. Ferme les yeux. Essaye de mettre de l'ordre dans ses pensées.

L'aimait-il?

Il aimait... la Camarde.Il aimait ce jeu incessant de mort & de vie, et savoir en triompher. La Suerte. Remettre en cause ce qu'il était. Du moins le pensait-elle à le savoir si trompe-la-mort, mais qui était-elle pour le prétendre? Et il aimait sa liberté. Et les Femmes. Toutes les femmes. Ce qui n'arrangeait rien à sa jalousie compulsive. Et voilà qu'elle l'enchaînait avec un gniard.


Tu viens pour moi ou pour me demander asile pour un tueur?

C'est sur, personne ne viendrait le chercher là. Qui pouvait savoir qu'elle entretenait une liaison coupable avec une Luciole anathémisée, brigand, tueur. Envie de fraises tiens. Puis d'un verre de Monbazillac... et d'opium. Surtout d'opium. Mais sa boîte est là haut, dans sa chambre. Prêt du lit. Il était toujours temps de ne rien lui dire.

Sers moi un verre tu veux? Monbazillac s'il te plaît?

Voilà. Du sucré. Du doux. Elle avait besoin de ça. Un temps. Un nouveau jour. Nouveau jour qu'elle aurait du entamée au fond de son lit, à rêver d'autres patûrages plus verts, de cieux plus bleus, d'autres mondes, de terres rondes et de lunes blondes.

Je suis désolée pour tes amis.
Sincérement.


Elle a un peu froid. Tenue trop légère bien sûr. Se redressant une fois encore, elle va remmettre deux-trois bûches dans le feu, tisonne un peu pour accélerer le tirage. Elle a la bougeotte. Y réchauffe un instant ses mains. Se trouve brouillone, à l'image de ce qu'elle est en ce moment. Mains en appuis sur les genoux, debout, retourne se pelotonner. Position foetale tordue.

Pourquoi être venu Marlowe's?

Un temps. Long. Elle s'attendrait presque à entendre une nouvelle fois sonner le beffroi. Que sait-elle de lui? Rien, ou quasi. Ce qu'on lui en a rapporté... Marlowe's pour elle. Truffian pour certains. Cordoba pour d'autres. Charmant charmeur. Bretteur funambule. Homme à part. Tendance pilier sur lequel on croit pouvoir toujours se reposer.
Elle doute. Doute de tout. Son esprit s'embrouille. Des restes de sommeil embrument encore son regard et son esprit. Et des effluves opiacées, reste de ce qu'elle avait fumé la veille au soir lui parvenaient encore. Elle ancre son regard dans le sien. Elle n'a pas le droit de lui mentir. De ne pas lui dire. C'est le Père après tout. Avant tout.
Et de s'attendre à entendre sonner le tocsin.


Marlowe's.
Tu vas...
Je suis enceinte.
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MessageSujet: Re: Chapitre Huit - Hostel de Montmorency   Chapitre Huit - Hostel de Montmorency Icon_minitimeJeu 28 Fév - 3:21

Mange-rats
Chapitre Huit - Hostel de Montmorency 685724645476be3294b1ce

C’est elle, elle ne le reconnaît pas. Peu importe.
Elle aime Marlowe’s, et ça le ferait presque rire, s’il ne savait pas que ces amours là ne sont pas risibles. Il n’oserait pas rire. Sa mère…
Il ferme les yeux, pour ne pas déranger. Sent qu’on l’examine. N’oppose pas de résistance.
Plaie recousue. Doigt tranché.

« J’ai dix-huit hivers, on m’a percé l’épaule, on m’a coupé un doigt.
J’ai dix-huit hivers et j’ai tué deux hommes.
J’ai dix-huit hivers et je suis Rey ! »

« J'vais m'occuper de toi. Laisse nous juste quelques instants... »

Il va les laisser. Déjà son esprit débile de douleur, de faiblesse, s’estompe. Avec les lumières, les couleurs et les sons. Des tâches de lumière, des éclats de voix… à peine, avant de perdre à nouveau connaissance, entend-t-il

« … demander asile pour un tueur ? »

Un tueur. Il a tué. Un sourire lui tord les lèvres et il s’endort.
Sourire serein, qu’ont les enfants.
Sourire cramoisi de sang, qu’ont les soldats.
Béatitude du fol, qui perd raison après avoir perdu son sang, et la regagnera peut-être, quand il aura dormi, et mangé.
Dort-il ?
Des paroles, des sensations, passagères, et puis des songes, des délires, des esprits, son sourire ne le quitte pas, mais c’est parce qu’il n’a pas la force, l’envie de mouvoir ses lèvres, il végète sur le sofa comme la carotte en terre, il dort comme dorment les malades, mal, il dort comme dorment les soldats, à demi.
Qui, de sa fatigue ou de sa douleur, prendra le dessus ?
La douleur s’estompe alors que la fatigue croît.

Des songes de fées, de libellules et d’yeux vers, de bûchers roux et de capuches noires, des contes de fées, des songes de bourreaux, fantasmagorie,
« venu Marlowe’s »
fantômes et fêtes, il est persuadé d’être éveillé, mais il songe, et soudain, il sait qu’il rêve, mais il est éveillé, il est pris dans cette tourmente comme un navire aux colonnes d’Hercule, ça l’amuse et ça le terrifie, ça le rassure, car il sait qu’il ne doit pas bouger, il sait qu’il ne risque plus rien, mais ça lui fait peur, car il sent, peu à peu, que la raison le quitte comme l’eau gagne un navire à la coque percée, sa ligne de flottaison a enquillé un sacré récif, il faut bloquer la voie d’eau, mais pour ça il doit dormir, mais ce déluge l’en empêche, l’en empêche,
« Tu vas… »
Perdre la raison, pas le sens, qui sait, qui sait, peut-être qu’en ce moment on s’interroge : Mais où donc est le Rey ? ça serait amusant, il y croit à demi, s’en persuade, s’en contrefiche, l’oublie, s’en inquiète, en tremble, sans raison, se souvient, des yeux verts, et puis il fait plus sombre, il n’entend plus rien, il s’endort, il s’endort, il s’endort…

Pour quelques instants.



Marlowe's
Chapitre Huit - Hostel de Montmorency 15247926734692cfb19f96a

Bruit de vitres cassées, le funambule a bondit, un éclat entaille sa joue, ses talons crissent sur le verre, les débris de bois, restes de la fenêtre et des volets de Montmorency, reprise d'équilibre en arrêt de glissade, épaule qui aurait limite préféré un franc déboitage, Marlowe's avale une longue goulée à la brise vive de la rue, volte à la pointe des bottes, envol sur l'élan d'un saut visant l'embrasure défoncée, à nouveau campé sur les tapis du salon, regarde Ann, tête inclinée, moue perplexe, trace vers le coffre ouvert, se ressert, refait les niveaux à Ann, marée descendante la princesse, en profite pour rouler un gadin précis, amenant les protagonistes à connaitre, sans l'once d'un soupçon, le nombre exact de ratiches du partenaire, Monbazillac et Poire, mélange rêveur, le sang à sa peau laisse larme rouge à la pommette de la femme, il délace sa taille, parcours la pièce, à cela que ressemble un hôtel particulier meublé, sacré contenance, et il a sous les yeux infime portion du bâtiment, va en falloir de la charrette, il siffle doucement face à une vitrine d'épées, s'empare d'une lame bleuie, rapière à garde en coquille, magnifiquement exécutée, le fil acéré, fluide, à transformer la chair en soie, torsion du poignet, admire la justesse du poids en contre.

Je suis venu, puisque mon billet est restée sans réponse. Aurais-je eu la nouvelle par les bans d'un mariage arrangé ?

L'acier déchire l'air, courbe élégante, s'arrête à un pouce de la jugulaire de Mange, battant doucement au rythme du sommeil enfiévré, eut-il été éveillé, eut-il pu entendre...

Parents...

Le terme flotte, cherche sa place, étends ses notions en ailes tissées d'une d'arachnéenne complexité, destructurant l'espace, réagencement en perspectives disjointes, frémissement parcourant ses muscles, transmit à l'épée d'un vibrato insignifiant, elle retrouve une garde tierce, de sa sénestre, il couvre le Rey d'un châle, s'écarte, pas chassé, parade de quarte, salut un buste, rythme ritournelle en tapotis métals sur le marbre.

Tu m'as dit non
j't'ai répondu peut-être
tu m'as dit oui
j't'ai répondu non

On c'est jamais aimé
oh oh
on c'est jamais aimé
oh oh
autant qu'dans c'pommier

Tu m'as dit oui
j't'ai répondu j'sais pas
tu m'as dit peut-être
j't'ai répondu oui


Enroule la poignée à sa paume, pointe au sol, s'avance à Ann, main libre effleurant son ventre, l'autre à sa bouche, entre eux une lame.

Si peu éclot et déjà en danger. A peine une promesse, et pourtant menace. Nous voilà, tout trois, en inextricable guêpier.

Au sein du bouillonnement de sensations, il trace une nage essentielle, réflexion emboitée, il a toujours voulu que sa vie soit une caresse ou un poing dans la gueule, des poupées slaves, miniatures de Pandore, libérant toutes une portion de chaos, de fait, l'existence le déçoit rarement, même si les syllabes encore, encore, s'entrelacent au moindre souffle de ses mots, il ne se pose pas la question de l'amour, émotion inconnue naissante, autre, refus de l'analyser, ressentir, agir, toujours, contempler, méditer le vide du rien aux ciels d'absences, élucubrer, oui, réfléchir...

La passion est familière, éprouvée, Marlowe's en connait l'intangible folie, une marque, à jamais gravée, en son âme, un temps passé, enfui, enfoui, à la fosse commune de ses idéaux, il n'a conservé que le rire du partage, celui dansant à ses pupilles, à cet instant.


Sacré héritage, à recevoir, à transmettre. Nous avons dispositions à prendre, secret à préserver, risques à mesurer, pour toi et lui, possibles à envisager. Et puis...

Un doigt suit la courbe de l'épaule, dessinant sourire semblable à ses lèvres, se demande à quoi ressemble les draps froissés d'une princesse, et si les soupirs de Ann résonnent de même aux pierres des palais qu'aux branches des arbres.

Un funambule va devoir se souvenir comment il apprit à marcher.



Chanson à peine adaptée des Ongles Noirs

Chapitre Huit - Hostel de Montmorency Marlou1ac1


Ann
Chapitre Huit - Hostel de Montmorency 221476208479b864b08695

Et de le regarder bondir. Peur d'une fuite. Elle craint tellement sa réaction. S'il venait à s'enfuir. A ne jamais revenir. Elle avait décidé, avant de lui annoncer qu'elle garderait cet enfant, malgré tout, elle n'avait pu s'empecher de se renseigner mine de rien sur les « sorcières » des faubourgs. De cette passion coupable, elle n'aurait pu assumer seule les fruits et qui de la noblesse du Royaume, aurait pu sans sourciller apprendre la nouvelle. Malgré toutes les précautions dont elle a entouré ses premieres semaines pour que tout reste secret, elle se doute d'ors et déjà que dans son dos, on jase, on murmure. On condamne.
Elle a déjà élevé ses trois enfants seule, pères morts avant d'avoir vu ce à quoi ressemble un fils lorsqu'il grandit, avant d'avoir vu comment une fille peut embellir. Elle était jeune, les a pourtant négligé. Les confiant au bon soin d'une gouvernante, de son intendant, d'un maître d'armes. De n'importe qui pour ne pas avoir à affronter ses enfants qui peignaient le portrait vivant de leurs pères. Guilhem est pour le moment avec le Cardinal Kreuz, apprends les armes, les lettres, la noblesse, la religion, s'enrichit dans la bibliothèque de Menton... Bientôt il faudra chercher à le marier, lui trouver épouse fidèle et dévouée. Noble bien entendu. Mais il semble qu'il se soit entichée de sa filleule la petite Aliénaure.
Alix quand à elle est avec Herminie, fidèle gouvernante, qui lui laisse une liberté suffisante. Un jour il faudra à son tour la marier, quand elle sera nubile, avec un homme qu'elle devra apprendre à aimer. Batârde par son sang, elle n'a pas moins eu une éducation poussée de noble. Point d'armes. Des lettres, de la broderie, de la tenue, de la beauté. Mais quel caractère. On dit que le Comte de Turenne l'expérimenta à une prestation d'allégeance.
Quand à Hughes... le jeune Prince de Montmorency a été placé dans un monastère de la région parisienne, pour y apprendre à affûter son esprit pour devenir l'un des hommes les plus influents de son temps. Il est jeune encore, malléable. Quand il aura 10ans, l'année prochaine, elle l'en fera sortir pour qu'il apprenne les armes. Et à 14ans, pour sa majorité, il héritera de fiefs, noms et épouse. C'était ainsi qu'ils avaient prévu son avenir.
Elle se raccroche à l'idée que dans sa fuite, elle cherche toujours le meilleur pour eux. Sachant pourtant pertinement que le meilleur c'est elle.

« Mariage arrangé »... elle tique légèrement mais ne dit rien. Oeillarde en fronce, moue en silence de rigueur. Sait-il? Voilà qui ne l'étonnerait même pas. Pourtant...? Un point d'interrogation muet en filigranne consciencieux. Depuis quand se soucie t'il de l'avenir de ses autres enfants. Il ne sait peut-être même pas leurs noms. A moins que...

Du bout des doigts, elle recueille la larme écarlate, laisse traînée indéscente sur sa peau si blanche. D'un regard le voit s'essayer à ses lames réunies avec patience et habileté. Passion rassurante, et amies fidèles, il y a partage dans cet acier là. Entre eux pour le moins. Sa maîtrise hypnotise. Elle laisse faire. Ne jamais oublier qui il est. Espèrer que cet enfant ne lui apparaîtra pas comme une cage dorée. Qu'il saura lui apporter ce dont il a besoin. Sous-pire. Echo discret:

Parents oui... mais quels parents...?

Elle tait ses inquiétudes, esquisse un sous-rire de le voir si bien à nouveau. De ses épaules il a su ôter le poids. En partie pour le moins. Il n'a pas remis en cause la paternité, comme l'avait fait Héraklius en un autre temps. Il n'a pas fuit. Il a accepté. Mais si sous le ventre s'agite la vie, dans le coeur vit la mort. 2 sur 5. Morts. 3 sur 3. En mal d'affection et de présence. 5 sur 5. Sa culpabilité. Totale, sa peur immoderée des enfants. Ne plus en avoir. C'était la seule chose qu'elle ait jamais désirée. Excepté Marlou.
Et elle sait que s'il arrivait quelquechose à celui là, elle ne s'en remettrait jamais. L'idée de sa propre mort ne l'effleure même pas.

Il chante. Balaye ses peurs de quelques trilles. Leurs peurs? Effleure son ventre.
Il en a conscience aussi, bien sûr. Un temps. Bruissement du silence. Espace d'un sourire.


Con, c'est pas les guêpes qui font le miel.

Elle laisse le doigt suivre les courbes. Jette un regard en biais au corps allongé sur le canapé. Lève yeux d'azur melés d'opacité vers le visage spectrale du Funambule. Retient cette fois, la main, se redresse. Effleure de son souffle sucré la commissure des lèvres. Yeux en connivence. Il est des moments où rien n'a plus d'importance que certaines intimités douces au coeur et au corps. Elle sort un instant du petit salon, repère Alphonse qui attends en surveillant du coin de l'oeil un gniard à l'air bravache. Hausse les épaules. Plus tard, elle s'occupera de celui-ci aussi, s'il le faut. Elle prends les dispositions nécessaires au confort du Rey ensanglanté qui d'un autre palais à trouver le refuge. Qu'on le veille surtout, et s'il le faut qu'on appelle le mire de la Reyne. Mais qu'on ne les dérange pas avant l'aube. Même si Paris brûle... Surtout si Paris brûle!

Dernier regard vers le mioche, marrant comme elle sent une certaine animosité de sa part à son encontre. Plus tard. Sourire à Alphonse. Retour au salon. D'un regard se rendre compte qu'il lui a foutu un choas de tous les Diables. Canapé bousillé. Fenêtres et volets qui laissent pénétrer un air glacial. Plus tard. Plus tard. Il sera toujours temps. Leur temps à eux filent et s'enfuit sans espoir de retour. Au matin, il repartira sans doute. Aux premiers rayons, il retournera à ses devoirs. A l'aube, il ne restera que son empreinte chaude entre les draps froisés. C'est la nuit, et elle a peur que de cette nuit, son image ne soit qu'un rêve, evanescent au réveil. Que seules quelques bribes s'accrochant aux aspérités de sa mémoire. Parce qu'un jour leur appartiendra. Mais serait-ce déjà l'alouette qu'elle entends? Non ce n'est que le rossignol... * Alors sans attendre, elle se saisit de sa main, ouvre d'un coup de pied, une porte dérobée et l'entraîne jusqu'à sa chambre. D'un haussement d'épaules excuse le chaos qui y règne, parchemins en bataille, bouteilles en cadavres, plumes en mal de l'air, encre seiche. Oh tiens son opium. Sourire en volutes diaphanes à valeurs apaisantes. Mouillant son pouce, elle frotte la larme de sang sur la joue de son amant. Murmure:


Je t'ai jamais vu sans ton Masque...

Du bout des doigts, lace et délasse les fils d'une vie qu'une Parque maligne emmêle et engrène en secondes amènes.

*On m'excusera ce très léger emprunt à W. Shakespeare qui tout de même en matière d'amours interdits nous surpassent tous.
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MessageSujet: Re: Chapitre Huit - Hostel de Montmorency   Chapitre Huit - Hostel de Montmorency Icon_minitimeLun 22 Déc - 0:47

Marlowe's

L’obscurité de la rue possède ce bleu particulier des aubes en suspens, le baudrier, tenant rapière et miséricorde, passé négligemment à l’épaule, cela fait plusieurs minutes qu’il se tient sur le haut du perron, un Lancelot mal éveillé à ses cotés, regard dans le vague des ombres, la porte close de l’hôtel Montmorency dans son dos. Sa mise est défaite, col de chemise aux lacets lâches, flottante sur ses braies de cuir, mantel noir ouvert en désordre au froid piquant des nuits de printemps, chevelure ébouriffée, mèches corbeaux en désordre, son maquillage refait de frais, larme rouge précise, masque les effets d’une longue veille, blanche, immaculée, riche d’abandons à la mort, de promesses envers la vie, d’étreintes lancinantes aux franges de la folie et du plaisir.

A peine une poignée d’heures dérobées, parenthèse au jeu des intrigues, entre deux mises, deux distributions d’atouts, dans la tiédeur souple des corps, lors les contours du monde se réduisent, s’éparpillent, se morcellent, se prolongent et s’ajustent, au ressac ancestral du mélange des saveurs les plus intimes, solitudes volant en éclats, dans le partage du terrible secret des amants, aucune nuit n’est éternelle, toutes sont infinies. Il s’est abreuvé au plaisir de cette conscience, libérant les sensations, dans les vapeurs d’alcool et d’opium, à la liberté des chairs se cherchant, sans jugement, goûtant l’épuisement de l’envie, abattu dans la douceur d’une couche dévastée, et leurs murmures ont donnés sens à cette impossible relation.

Des projets d’avenir ne fut que gardé que l’essentiel, le silence. Cette existence au creux d’elle, grandissant sans bruit, Marlowe’s la protégera, sans hésitations ni compromissions, père en coulisses, et le funambule comme la princesse auront leurs propres ficelles à tirer, sur la décision d’un mariage, restant à définir, il lui fait confiance, aux mouvements de leurs pions, le résultat pourra surprendre. Et aux actes du marlou, toujours, s’entremêlent différentes raisons, un équilibre instable d’apparence, incompréhensible de solidité, de la vie, il ne connaît que flux et reflux, mouvances incertaines, fondrières mortelles, là où ciel miroitant d’aspirations et boues de l’absurdité létale humaine s’imbriquent, il crache les certitudes en illusions glissantes, et après, l’univers est un patchwork de visions, figées ou changeantes, assurées ou évolutives, qu’importe, il assume ses choix. Cela n’empêche pas les peurs.

Il adresse un sourire flou à son écuyer, descendant quelques marches, à l’abri d’un porche voisin, une forme recouverte de tissus grisâtres se devine à peine, un guetteur du Borde, immobilité de pierre, en gestes lents, il reboucle le ceinturon sur ses hanches, fatigue aiguisée, dormir trois jours de rang ne semble pas tâche insurmontable au bretteur, pourtant la journée s’annonçant à la Suerte promet bien des choses, sauf du repos. Et le temps lui a manqué pour préparer l’entrevue qu’il désire avec la Succube, un courrier devra être envoyé sous peu, reste à définir la manière dont il se présentera, son nom peut ouvrir certaines portes des bas fonds de Paris, mais il hésite encore sur les liens et apparences qui présideront aux relations entre la Suerte et la Rose, entre lui et les Miracles.

Sa conversation avec Mange en a posé certains jalons, confortant les décisions prises, de quitter Libertad, d’en confier les clefs à ce gamin devenu homme, puis Rey. Assumant, à la vue de tous, un rôle qu’il s’est toujours refusé à endosser, ou, du moins, à revendiquer, en ce sens, leurs méthodes différent. C’est de cela dont ils ont parlé, entre autres, mettant au clair les termes d’un accord, plusieurs de fait, établissant les domaines de responsabilités, tout ceci pouvant être lu au langage de la manipulation ou de la confiance, les frontières sont minces, et l’affection portée à Mange Rats n’exclut ni l’une ni l’autre.

Sa paume posée à la nuque de Lancelot, il l’entraîne vers le nord, dans la pénombre gris sale du jour naissant, le trottinement de l’enfant et le claquement de ses bottes résonnent dans les rues vides, impression fugitive d’être suivi, flemme pesante de vérifier, au pire, l’exercice de sa lame le réchauffera, au pire, il mourra dans un dernier gargouillis au coin d’une venelle, le pire n’est rien, en cette matinée glaciale de 1456, quand on se nomme Cordoba et qu’on sourit à l’idée de tenir le royaume au creux de sa main, telle une pomme à jongler ou à croquer.
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MessageSujet: Re: Chapitre Huit - Hostel de Montmorency   Chapitre Huit - Hostel de Montmorency Icon_minitimeLun 22 Déc - 0:48

Mange-rats

Sur le toit de l'hostel, là haut :

J’ai déchiré ma mémoire,
Ma gueule, et un portrait de toi
Ça traîne dans le brouillard
Le balayeur balayera.


Genoux groupés et chef dodelinant, perché sur le toit d’une bâtisse vertigineuse, le gosse chante, dolent. Entre ses genoux et sa poitrine, une bouteille vide se balance au rythme de sa respiration molle. De temps à autres, un œil s’ouvre, vitreux, pour contempler la rue comme un marin contemple la mer, avec méfiance et vindicte, et sa gorge lance un cri rauque.

Hardis, compagnons, souquez ferme et nous passerons le cap du scorpion avant le matin !

Et puis il toussait, crachait ou rotait, et puis reprenait son chant mélancolique et son balancement tangué. Le hoquet le prenait, et puis il tirait la langue. Il était malade. Teint blafard, joue flasque, ton rauque et inégal, éraillé, estomac chantant.

Malade, oui. Mais souverainement malade. Le menton haut, la moue arrogante, le sourcil froncé. Dans sa stature, quelque chose de hautain dans la désinvolture.


J’ai réchidé ma mémoire *hips*
Ta gueule, et un portrait du roy !


Sa voix, faible, ne tombe pas jusqu’au passant et ne s’élève pas jusqu’à Dieu : il est seul avec son ébriété. Il tire la langue.

Allons, de l’atout, par la daronne du dardant, et haut le palpitant, momacque, à voir si t’en as dedans le bauge.

Il écarte ses bras qu’il avait croisé sur les tibias, titube, tâtonne, oscille, se retrouve enfin debout, sur ses deux pieds, tanguant sur le pont d’un navire.

Ohé, mecquard, aboche la cope et la voilure !

Jamais monté sur un bateau, le gosse. Il braille à tout va, ce qui lui passe par la caboche. Pas mal de choses, en somme, mais rien de très sensé. Il crache dans la rue, rate un passant, tire la langue, et puis se remet à chanter, l’air terrible.

Et sur vos balcons en ivoire
J’irai planter mon drapeau noir
- Peau noire !

Et dans vos rues venu le soir
J’irai chanter mon désespoir
- Espoir !


D’un coup, il s’arrête, muet, s’immobilise, écarquille les yeux, son sourire fond, se désagrège, plutôt. Il reste là, sculpté comme dans la misère, immobile et muet, ses hardes sales bercées par le vent des cimes, dressé sur les sommets, ombre noire parmi celles des toits, des pignons et des cheminées, quelques minutes. Puis crache, comme blasé, hausse les épaules, se rassied, l’air abattu, toujours muet. Siffle. Silence. Siffle à nouveau.

Ça traîne dans les rues noires,
Le fou du roy s’enfollera…


Il tousse, lorgne la bouteille vide, la lâche et la laisse rouler le long du toit. Crache dessus, lui fait un pied de nez. Essaie de se relever, trébuche, y renonce, et puis rit aigre ; ivre. Ventre à toit, face à la rue, en bas, il regarde la foule.

Et la trèpe des bonnes gens défile, sans lever le nazicot pour voir son dabuche qui l’observe et la gouverne *hips* ben bige, en somme. Parce que moi je décide, hein, je décide.
Dabuche un jour…
*hips*
Dabuche toujours.


Il se gratte le crâne, et puis pose son index sur son front, une moue blasée aux lèvres.

C’est brodé lago.

Quinte de toux, crachat. Il louche, tire la langue, les maudit trois fois, un argot, en français, et puis dans un autre argot, celui qu’il a entendu causer par les étudiants de l’autre rive.

Et puis il s’endort, tête dans le vide, allongé sur un toit, gargouille improbable et bon marché. La faim le réveille. Il cherche autour de lui, dans son nid de fortune. Trouve une bouteille. Débouche, l’air féroce, et boit, non moins fauve. En recrache la moitié, avale l’autre.


Aaaaah…

Il crache. On lui a parlé, une fois, du delirium tremens. Il essaierai bien, pour voir, mais il n’est pas certain de vouloir devenir fou, ni de vouloir mourir. Juste un peu, pour essayer, d’accord. Mais pas complètement.

De la modération en toutes choses.

Et il s’enquille une nouvelle gorgée de rouge. En crache un peu sur un passant qui l’invective, en levant le point, il lui tire la langue, hilare. Dis, eh, si les copains le voyaient, qu’est-ce qu’ils diraient ? Il siffle, admiratif du désordre qu’il cause en voyant un homme bousculer celui qui s’était arrêté pour l’invectiver, formant une concrétion croissante de mauvaise humeur et de chaos. Il se traîne hors de vue de la foule, se réfugie dans un coin de toit, se pose pour continuer sa sieste, a trop mal au crâne, fouille dans ses hardes pour trouver quelque chose à avaler, se souvient qu’il a fini son pain hier. Jure, en quatre langues, et s’endort.

A nouveau, il s’éveille, en pleine nuit. Le temps n’a plus de sens et s’écoule invariablement vers son passé fuligineux et son avenir fumeux. Il a un grognement de bête surprise en sa tanière, écarquille les yeux, constate qu’il y voit aussi bien les paupières closes, éternue. Il reste un moment muet, immobile, à fixer le noir, et peu à peu s’habitue à l’ombre, que l’éclat de quelques torches et étoiles vient troubler. Il se redresse, s’assied en tailleur sur le toit, frotte son coude endolori.

Le silence lui pèse, il crie :


Je suis Sébastien, dit Mange-rats, dit Neuf-doigts, dit le Bâtard, dit le Grelot, diacre des fous, et…

Un doute. Il reste là, bouche ouverte, interrompu dans l’étalage de ses titres. Sa bouche se ferme. Il cligne des yeux, se gratte le nez, et conclut :

Mecquard de mes grolles.

Il sourit, satisfait, se lève, porte une main à son crâne encore fendu par sa cuite. Puis, à mesure que son ébriété se tasse, la douleur de son épaule recousue le lance un peu. Il louche dessus, tire la langue, et puis regarde dans la rue.

Vide, pas un chat, pas un sergent. Et ces cris qui n’ont alerté personne ? Il hausse les épaules. Regarde ses bottes, chipées chez un tanneur des innocents. Y fait miroiter l’éclat de la lune, qui daigne enfin se découvrir de ses nuages.


Alors, la luysarde, on se défrusque enfin, on arrête de faire sa prude ? Pas de ça avec mésigot, il l’a déjà mouchaillé ton trèfle le Mange-rats, eh ?

Un rire goguenard, il se masse le ventre, se souvient vivement qu’il a faim, crache, lève le nez. Sous ses yeux, au nord, le cloaque où il a grandi, ses ruines, ses tentes, ses masures insalubres, ses venelles, ses toits. Il prend une mine résolue, le fixe du regard, et lâche :

Au grand Aure, daronne, et salut !

puis file le long d’une gouttière, puis d’une rue, comme un chat.

Ça traîne dans la fange
Le miséreux à la gueule d’ange
Il traîne sur le pavé
Vous en ferez
C’que vous voudrez…


HRP : Merci à La rue ketanou et Luke
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» Chapitre Deux : En cou lisse

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